Esprit, es-tu là ?
Avoir le droit de jouer avec le feu pour gagner quelques pétards à La Kermesse de la compagnie La Machine;
Être fortement encouragé à s’endormir pour vivre pleinement La Nuit Unique du Théâtre de l’Unité; Contribuer à un réseau social avec des craies et une ardoise, oser écrire, sur l’espace public, ce que l’on aimerait faire avant de mourir, grâce à Candy Chang et son installation Before I die;
Réinventer les règles du ballon rond en imposant 4 équipes et 4 buts, grâce à Veronika Tzekova qui nous a permis de présenter, avec FOOOOTBALLLL, un moment artistique, citoyen, sportif et ludique;
Lâcher prise et se laisser coiffer par des enfants en créativité débridée. Merci aux canadiens de Mammalian Diving Reflex;
Grâce aux anversois de Comp. Marius, avoir l’immense privilège d’être invité à la table de Marius, Fanny et César et, parmi les intimes et la famille, au goûter après les obsèques de Monsieur Panisse.
Oui nous pensons sincèrement que l’esprit est toujours là !
Les artistes nous l’ont encore prouvé cette année, et toute l’équipe de passeurs des Tombées de la Nuit a fait de ces rencontres artistiques improbables des moments profondément humains.
Que cette précieuse équipe soit une nouvelle fois remerciée.
Et rassurez-vous, vous n’êtes pas au bout de vos surprises !
Claude Guinard
Marius, Fanny et César • La Trilogie © Nicolas Joubard
Spectateurs ou aventuriers ?
Depuis leurs débuts, la place de l’habitant-spectateur est au centre des préoccupations de l’équipe des Tombées de la Nuit. En quartier ou au centre-ville, nous nous emparons du territoire, non seulement pour y programmer des spectacles, mais pour y provoquer des aventures de voisinage où les habitants peuvent devenir complices du projet artistique. Il s’agit de questionner la place du spectateur, de réinterroger le rôle du citoyen dans son environnement social. En favorisant le pas de côté, le regard décalé, les rencontres entre artistes et habitants lors de projets implicatifs, nous cherchons à comprendre et à rencontrer l’autre dans sa singularité, à provoquer l’enrichissement artistique et personnel de chacun. Ainsi, l’espace public devient un territoire de jeu dénué de présupposés, d’idées figées mais riche en potentialités, en révélations, en aventures.
Confier ses cheveux à des enfants !
La performance Haircuts by children regroupait trente élèves de sixième du collège Échange, prenant entièrement en charge le fonctionnement d’un salon de coiffure, de la prise de rendez-vous jusqu’à la coupe. Une première en France pour cette aventure artistique collective, sociale et très politique, fomentée par les canadiens du Mammalian Diving Reflex.
Quand on parle de droits des enfants et de collaboration artistique, Darren O’Donnell, le directeur de l’atelier de recherche du Mammalian Diving Reflex, ne plaisante pas. Le long protocole reçu en amont aux Tombées de la Nuit encadre très clairement les droits, devoirs et méthodologie spécifiques des relations entre adultes et enfants. Car, derrière cette performance artistique où vous « confiez votre tête à des enfants coiffeurs », c’est bien l’élaboration d’un nouveau contrat social, basé sur la confiance, l’égalité, le courage, l’intimité, et la reconnaissance totale des droits des enfants, qui est en jeu. « Dans cette forme d’art hybride basée sur l’interaction, l’adulte s’abandonne complètement à la vision de l’enfant » résume Hazel Venzon du Mammalian Diving Reflex. Avec Ryan Lewis, elle a fait le voyage depuis Toronto pour cette première création en France de Haircuts by Children.
Haircuts by Children © Nicolas Joubard
Une centaine d’élèves volontaires des classes de sixième du collège Échange de Rennes se sont inscrits pour participer au projet. Trente ont été tirés au sort, garçons et filles. « Ce n’est pas tous les jours que des enfants ont le droit de couper les cheveux des adultes, affirme Yael pour expliquer sa motivation. Et en plus, c’est une première dans le pays !». Le projet débute dés le lundi par une rencontre avec Ryan et Hazel. Le cadre est encore un peu formel dans les murs du collège. Mais un vent d’inédit et d’inhabituel flotte déjà. « On y a parlé, en toute liberté et sous forme de débat, d’art social et de droit de l’enfant » résume Alice Butet, en charge du projet pour le festival. Le lendemain matin commencent les quatre demi-journées de formation à l’école de coiffure L’Academy, boulevard Solferino, sous l’œil aguerri de Marion et Corinne. Professeurs et surveillants gèrent les transports depuis le collège. Sur place, technique et créativité se mêlent : maniement des ciseaux, consignes de sécurité, gestion des longueurs, des couleurs… Ludovic André, le directeur du salon de coiffure Urban Expression qui va accueillir le projet, est déjà là, au plus près des élèves artistes. « Quand Claude Guinard m’a parlé du projet, j’ai dit banco tout de suite, explique-t-il. Nous faisons déjà des vernissages au salon, plein de choses périphériques, et j’ai trouvé cette idée géniale. Sans doute parce que j’ai pris des voies un peu originales dans l’apprentissage de mon métier. Mais l’énergie, l’application et la concentration des enfants pendant toute cette semaine ont été vraiment impressionnantes ».
Samedi, c’est le grand jour. Les artistes coiffeurs sont à pied d’œuvre dès 11h pour préparer le salon, prendre les appels et gérer le carnet de rendez-vous. Un stand de vente de limonade est installé sur le trottoir. Ils tractent déjà dans la rue Saint-Melaine pour proposer une « coupe gratuite » et expliquer le projet. Le tout en complète autonomie. « Même si nous avons été un peu formés, on a surtout le droit de rater » se rassure Gabin alors qu’une trentaine de coupes sont déjà calées pour la journée. Certaines se feront à la demande des clients. Mais beaucoup d’entre eux les laisseront libres de faire ce qu’ils veulent. Le résultat est souvent surprenant. On croisera donc tout le week-end dans Rennes des coupes très colorées, arborées fièrement par les participants de Haircuts. « C’était dur d’apprendre en quatre jours à couper des cheveux, explique Arthus. Mais les adultes nous ont vraiment fait confiance et ils étaient tous contents en sortant du salon ».
Dimanche, la fatigue se fait ressentir en fin de journée. Mais joie et fierté se lisent sur tous les visages. Dans cet espace social sécurisé, enfants et adultes se sont donc rencontrés en confiance et en liberté pour partager cette expérience unique, intime et totalement inhabituelle. «Nous avons vécu de véritables moments de grâce avec ces enfants, en osant le laisser-faire, la confiance, explique Guillaume, traducteur et assistant projet pour Les Tombées de la Nuit. En nous débarrassant, en tant qu’adultes, d’une certaine vision et de certaines habitudes pour laisser s’exprimer leur énergie, leur capacité d’organisation et de création ». Une constante du travail de Darren O’Donnell et de son Mammalian Diving Reflex.
Haircuts reprendra donc sa route à travers le monde après cette semaine à Rennes qui a semblé faire date. «Bénéficier ainsi de toute l’infrastructure d’un festival, d’une académie de coiffure, d’un collège motivé et d’un salon partenaire a pu créer cette semaine vraiment exceptionnelle pour nous… et les enfants ! » résume Ryan Lewis. Près de soixante-dix personnes seront ainsi passées sur les fauteuils du salon Urban Expression pendant le week-end. Une nouvelle preuve des possibles de l’enthousiasme, de la curiosité et de la confiance.
Longtemps, je me suis couché de bonne heure
En mars, le Théâtre de l’Unité a entraîné les spectateurs dans une Nuit Unique. Sept heures de représentation nocturne, qu’ils ont suivie allongés dans leur duvet. Les yeux ouverts… ou pas.
22h30. Souvent, c’est l’heure de se brosser les dents. Ce soir, c’est le moment d’aller au théâtre. Comment s’habiller ? Robe de soirée ? Pyjama ?
Au loin, la foule :
«Tu ne dors pas la nuit, toi ? Et après, quoi ? Tu seras un zombie tout le week-end ?» «Et si tu manques un passage ? La frustration ! Comment tu fais pour comprendre l’histoire ?» «Et combien tu payes pour un spectacle que tu ne vois pas ?»
«T’as le droit d’aller aux toilettes ?»
La Nuit Unique © Nicolas Joubard
23h. Halle de la Courrouze, les dix acteurs, chanteurs et musiciens du Théâtre de l’Unité, en livrée rouge, accueillent les noctambules. «N’ayez pas peur de dormir, sinon la nuit va vous paraître longue». Seule l’allée centrale est allumée. S’y succèderont bientôt textes, saynètes, danses, chants, poèmes. Autour, les spectateurs sont allongés dans la pénombre, sur des matelas gonflables et des transats.
6h, le lendemain matin. L’assemblée baille et s’étire. Personne n’a vu le même spectacle. Les comédiens ramassent les chaussettes, les doudous, les verres de vodka vides. Ils ont passé la nuit debout. Ils servent le petit-déjeuner aux spectateurs. Parmi ceux-ci :
Julien (signe particulier : a l’habitude de somnoler au spectacle) «Pour une fois, je ne me suis pas senti coupable. J’ai eu l’impression d’être dans un train de nuit. Sans cesse réveillé, mais jamais vraiment conscient. J’ouvrais les yeux, je voyais une scène, puis je la rejouais dans ma tête. Je ne savais plus si j’étais dans un rêve ou dans la réalité.»
Fanny (signe particulier : zen) «J’ai adoré l’atmosphère onirique. Je me suis réveillée vers 4h30 quand j’ai vu de la fumée surgir. Mon esprit était parti loin. J’ai d’abord cru que c’était un monstre. Puis personne n’avait l’air inquiet, alors je me suis rendormie. J’ai été impressionnée par la vivacité des comédiens tout au long de la nuit».
Pascal (signe particulier : convaincu qu’il ne dormirait pas) «J’ai beaucoup dormi. Les chants russes a capella étaient si doux… J’ai été bercé, j’ai fermé les yeux».
Florence (signe particulier : aime être surprise) «L’obscurité a aiguisé mon oreille. Les chants étaient magnifiques. La fatigue pousse au lâcher-prise, on entre dans un état hypnotique. Les scènes nous reviennent par flash. J’ai été étonnée par la participation des gens toute la nuit. Et par le spectacle, qui s’est adapté aux différentes phases du sommeil».
Véronique (signe particulier : venue pour dormir). «Je n’ai presque pas dormi. Les yeux ouverts, j’ai apprécie les jeux de lumière, les improvisations des comédiens et surtout leur connivence».
Déborah (signe particulier : aime Molière) «J’ai reconnu une tirade de Dom Juan, j’ai ouvert les yeux : les comédiens étaient nus… J’ai dormi. Puis c’est l’odeur des nems qui m’a réveillée. C’est un mystère, mais cette nuit m’a donné une pêche !»
Un pas de plus pour l’accessibilité
Depuis 2008, Les Tombées de la Nuit sont résolument engagées dans une démarche positive en faveur de l’accessibilité. Cette année, sur le festival, en plus du programme traditionnel, elles ont rédigé et mis à disposition un livret FALC (Facile à lire et à comprendre), destiné aux publics ayant des difficultés de compréhension. Diffusé en amont du festival et mis à disposition sur le site internet, à l’accueil du festival et dans plusieurs lieux partenaires, il a permis aux personnes concernées de préparer leur venue.
Facile à lire et à comprendre
«Il est beau ! Ah, je vois que vous avez repris mon idée : écrire le numéro du bus qu’il faut prendre pour aller au spectacle. Et la couverture carrée, elle est plus pratique pour prendre le livret dans sa main !» Dans une salle de l’Institut médico-éducatif Hallouvry, à Chantepie, Mathieu se réjouit. Avec d’autres jeunes et leurs éducateurs, il découvre le programme du Festival des Tombées de la Nuit 2019. Plus précisément, une adaptation du programme en FALC : Facile à lire et à comprendre. Les jeunes d’Hallouvry ont aidé l’équipe des Tombées de la Nuit à le mettre au point.
Facile à lire et à comprendre © Marie Chardonnet
Avec ses textes simplifiés, ses pictogrammes et ses informations pratiques, le FALC s’adresse aux publics ayant des difficultés de compréhension ou des déficiences cognitives. «Par son ouverture et son originalité, notre programmation peut parfois être difficile à saisir, explique Alice Butet, chargée des relations avec les publics aux Tombées de la Nuit. Avec l’équipe communication et Aurélie Chasles, spécialiste de l’accessibilité dans la culture, nous avons travaillé sur un document clair. Et beau, pour qu’il ne soit pas discriminant.»
Pour comparer, les jeunes d’Hallouvry déplient le programme traditionnel. Adrien y lit la description du spectacle Programme : «En miroir du travail de l’artiste plastique anglais Simon Starling, représentant l’angoisse et la brutalité du réel, l’auteur Éric Arlix bâtit une prose de coach vive et rapide, nous plongeant dans un univers aveugle où l’individu perd toute notion identitaire.» Lauryn lit sa transcription dans le FALC : «C’est du théâtre et du cirque. Sur scène, il y a un comédien et un acrobate français. Le comédien dit à l’acrobate ce qu’il doit faire. L’acrobate obéit. Il y a 6 petites scènes. Une scène bouge, une autre vibre. C’est impressionnant et drôle».
Il répond à un besoin d’être accompagné et rassuré
«C’est beaucoup plus simple, s’exclame Sarah. Il n’y a pas de mot compliqué.» Maud Le Bailly, éducatrice à Hallouvry, constate combien un outil comme le FALC aide les jeunes à accéder de manière autonome à ce qui se passe en ville : «Il répond à un besoin d’être accompagné et rassuré. Car pour certains, aller au spectacle est une aventure.»
Au Point Informations du festival où il était disponible, Aurélie Chasles a vu que les spectateurs se sont rapidement emparés du programme FALC. Au-delà des seules personnes en situation de handicap, d’ailleurs. Cela fait réfléchir l’équipe : Comment, dans n’importe quel texte ou programme, éviter l’entre- soi et rendre le propos accessible ? «En même temps, nous nous adressons aussi à un public à l’œil affûté, qui a le droit aux nuances et qui sait aiguiser son envie par lui-même», pense Alice Butet. Un équilibre intéressant à trouver. En parallèle, Les Tombées de la Nuit souhaitent s’associer aux autres structures culturelles de la Métropole pour imaginer une charte des FALC, commune et cohérente.
L’oeil des Tombées
« Je ne reste pas statique à filmer des artistes sur une scène »
Réalisateur audiovisuel, Benoist Lhuillery est l’œil vidéo des Tombées de la Nuit. À l’affût de l’imprévu, du beau, du magique, il capte et garde trace des spectacles depuis 2012. À sa manière.
The Color Of Time © Nicolas Joubard
Qu’aimez-vous filmer aux Tombées de la Nuit ?
Les projets qui associent des habitants-complices. Je filme les ateliers de préparation, pour montrer non seulement le résultat final, mais aussi les coulisses. On ne se rend pas compte de l’implication en amont, du temps que les habitants consacrent à faire vivre un spectacle. Parfois c’est un peu sportif, parfois c’est un peu théâtral. J’aime voir ces gens qui osent se mettre un peu en danger, qui se rencontrent entre eux, qui se découvrent eux-mêmes, qui se font plaisir ! Comme au Love Bal : monsieur tout le monde va chanter sur scène devant des milliers de personnes… C’est un sacré défi.
Quel est votre «truc», pendant les tournages ?
Je me déplace tout le temps. Je ne reste pas statique à filmer des artistes sur une scène. Car les spectacles des Tombées de la Nuit ne se passent jamais comme ça. Je pense à The Color of time, par exemple. Je me déplace pour avoir des points de vue différents, pour capter les interactions avec le public : c’est le lien entre les gens qui compte, l’humain. Cela me permet aussi de donner à voir le lieu, car il a toujours beaucoup de sens. Je suis Rennais et je connais bien la ville mais avec Les Tombées de la Nuit, je découvre souvent de nouveaux endroits. On est toujours sur le terrain !
Quand vous faites la vidéo rétrospective de l’année, que ressentez-vous ?
C’est incroyable de voir la diversité des propositions : des concerts, de la danse, du cirque, du théâtre et des objets non identifiés. Il n’y a pas de règle, pas de format type. Ce qui revient aussi régulièrement, c’est l’étonnement dans le regard des spectateurs. Devant un lieu improbable, une performance barrée, un peu folle. Le cachalot échoué au bord de la Vilaine. La lune dans la piscine Saint-Georges. À l’image, je vois souvent l’amusement des spectateurs. Je constate combien le rire, les émotions, la surprise les font déconnecter de leur quotidien.
Qu’est-ce qui est plus compliqué ?
Les conditions de tournage changent tout le temps. Un spectacle est éclairé par un mur de spots. Un autre à la bougie. Pour un troisième, je dois dormir sur place. Ou encore sprinter pour filmer la chute folle de dominos géants. Cela me pousse à improviser. Et en réalité, ces spectacles sont un bonheur à filmer. Avec des esthétiques différentes, de beaux costumes, des scénographies et des éclairages soignés, du mouvement. Et puis c’est authentique. Les artistes, l’équipe, les habitants qui s’impliquent : ils ne sont pas dans le paraître, ils agissent par conviction.
Retour sur le festival
Dimanche à Rennes
Depuis 2016, Les Tombées de la Nuit co-pilotent le dispositif Dimanche à Rennes aux côtés de la ville de Rennes, tout en maintenant les fondements de leurs activités : l’audace artistique, l’ancrage dans le territoire, la complicité avec la population et le désir de fédérer les énergies des partenaires croisés au fil des projets.
Le dimanche peut être un jour espéré, attendu toute la semaine. Le dimanche peut être une journée faite de rien, voire d’ennui. C’est le jour du temps retrouvé, du rythme personnel, du retour au soi. C’est le jour du temps suspendu où tout devient possible.
Seuls ou en partenariat avec d’autres structures, nous souhaitons créer des aventures dominicales particulières, où se mêlent propositions artistiques inédites, participation citoyenne et dialogue avec l’espace public.
En 2019, de beaux dimanches ont vu le jour tels que l’installation lumineuse Palpitations Nocturnes sur la façade en chantier de l’Hôtel Pasteur, La Kermesse de la compagnie La Machine aux Ateliers du Vent, la Journée Baby-foot organisé en partenariat avec La Tour d’Auvergne et le cinéma Arvor, les concerts de Dakhabrakha et l’installation SMing, tous deux à l’Opéra, ou encore les concerts de Talia Zedek Band et de Julie Doiron, aux côté Des Pies Chicaillent.
350 événements labellisés Dimanche à Rennes
50 événements signés par Les Tombées de la Nuit
Le baby-foot à l’honneur
Un tournoi de football de table l’après-midi, suivi de la projection en avant-première d’un documentaire consacré à cette discipline à la croisée des chemins entre sport et bistrot : il était question de pissettes et de gamelles en ce Dimanche à Rennes de juin.
Huit tables Bonzini sont soigneusement alignées dans le gymnase de la Tour d’Auvergne, passage du Couëdic à Rennes. Depuis 13 heures, une cinquantaine de joueurs martyrisent les poignées de ces baby-foots de compétition. Pissettes, roulettes et râteaux proscrits, gamelles et tirs du snake recommandés pour remporter la victoire en sept buts gagnants. Attention, la gamelle ne permet pas de retirer un point à l’adversaire !
Journée Baby-Foot © Benjamin Le Bellec
Par équipes de deux, ces virtuoses de la petite balle en liège et des footballeurs en miniatures s’affrontent dans ce tournoi amical programmé dans le cadre de Dimanche à Rennes. La formule du label reste inchangée : valoriser les événements dominicaux en encourageant les expériences collectives. Sous une même bannière, en ce dimanche de juin (qui coïncide avec le début de la Coupe du Monde Féminine de football, dont une partie des rencontres se tient au Roazhon Park), Les Tombées de la Nuit ont proposé à la section football de table – le nom officiel du baby-foot – de la Tour d’Auvergne de Rennes d’organiser cette rencontre ludique, en levée de rideau de la projection, en avant-première au cinéma Arvor, du documentaire À la recherche de Collignon, consacré au monde du baby.
« Nos innombrables parties sont le ciment de notre amitié qui remonte à l’enfance, posent les co- réalisateurs Cédric Brandilly et Nicolas Marchand, originaires de Saint-Thual. Nous avons eu l’idée de célébrer notre passion en filmant notre road trip qui nous a emmené en mai 2017 jusqu’en Belgique, dans le but d’affronter la légende Frédéric Collignon, le Zidane de la pratique, plus de soixante fois champion du monde. » Un périple tendre et drôle effectué en Citroën CX TRD Turbo, avec un Bonzini accroché sur le toit, ponctué de parties endiablées et de réflexions autour de cette discipline à la croisée des chemins entre le bistrot et la salle de sport.
Au cours du tournoi, la paire de réalisateurs trentenaires a pu démontrer qu’ils savaient manier aussi bien la caméra que les petits bonshommes sur barres fixes, se hissant jusqu’à la finale du tableau « amateurs ». Le tableau « pros », réunissant quelques-uns des meilleurs licenciés de la région, a donné lieu aux oppositions les plus épiques de la journée, sous le regard attentif de Kévin Tutore, responsable local du baby-foot à la TA de Rennes et président de la Ligue de l’ouest de football sur table. « L’inscription gratuite et ouverte à tous offre un joyeux mélange des genres », se satisfait-il. Une fois le tournoi achevé, beaucoup de participants ont convergé en soirée vers le cinéma de la rue d’Antrain pour assister à une avant-première très applaudie et qui a fait salle comble.
Visiblement émus, Cédric Brandilly et Nicolas Marchand ont pu constater que les deux ans d’acharnement pour monter À la recherche de Collignon et trouver des financements nécessaires à sa diffusion n’ont pas été vains. « L’antenne belge de Canal+ a racheté ses droits et le film sera proposé dans les semaines à venir aux téléspectateurs locaux. On espère qu’il en sera de même en France. »
Par un pluvieux dimanche d’hier…
En janvier et novembre derniers, Les Tombées de la Nuit ont organisé deux Dimanche à Rennes avec les Ateliers du Vent. L’hiver n’est pas un frein. Même pour des propositions en extérieur.
«Avant de mourir, je voudrais…» : «aller au Japon», «voir l’interdiction de la chasse à courre», «épouser encore ma femme». Malgré quelques gouttes de pluie, des Rennais écrivent à la craie leurs rêves sur le mur de Before I die, performance imaginée par l’Américaine Candy Chang. Ce dimanche de novembre, Les Tombées de la Nuit ont investi un mur proche des Ateliers du Vent et ont soutenu le collectif dans l’organisation de leur Vilaine frayeur : une journée de musique, théâtre d’objets et impromptus sous le signe d’Halloween. En janvier dernier, Tombées de la Nuit et Ateliers avaient déjà collaboré pour un autre Dimanche à Rennes : La Kermesse pyrotechnique de la compagnie La Machine.
La Kermesse © Benjamin Le Bellec
L’hiver, et alors ? Les deux événements ont attiré beaucoup de monde. «On a été un peu surpris, reconnaît l’équipe des Tombées de la Nuit. Mais les gens sortent ! La saison n’est pas un frein. C’est inspirant, pour imaginer des événements d’hiver, et pas forcément à l’abri.»
Pluie et chaleur. «Il peut faire 13 degrés et pleuvoir en juillet. Alors pourquoi ne rien faire en janvier ?», approuve Bouèb, coordinateur du collectif d’artistes des Ateliers du Vent. De fait, la pluie s’est invitée aux deux dimanches. «Cela nous pousse à imaginer des événements artistiques qui soient aussi chaleureux et conviviaux. La Kermesse était pétillante, avec de l’ambiance, des flammes, des chocolats chauds.»
Il peut faire 13 degrés et pleuvoir en juillet. Alors pourquoi ne rien faire en janvier ?
Nouvelles têtes. Bouèb remarque que les dimanches attirent vraiment, aux Ateliers, des personnes jamais venues auparavant : «C’est le jour où la curiosité est possible. Les gens osent tenter. Ils se disent : «Si c’est nul, c’est pas grave parce c’est dimanche. On n’aurait rien fait sinon.»
Bousculer. Pour lui, programmer des événements même les dimanches d’hiver, ce n’est pas remplir un agenda d’offres culturelles 7j/7 et 24h/24. «Il s’agit de chambouler les habitudes : les horaires, les lieux, les propositions artistiques, les rapports au public. C’est comme ça qu’on éveille l’esprit critique et qu’on rend possible le changement.»
Mise en danger. La météo d’hiver bouscule les artistes aussi. Elle peut être inconfortable, peu rassurante. «C’est un défi, admet Bouèb. Mais un repli imprévu crée un élan, une sincérité. Tout le monde s’adapte pour que le spectacle ait lieu. Ça devient exceptionnel.»
Souffle rennais. Des dimanches à Rennes, il y en a toute l’année, même l’hiver. Les partenariats qu’ils entraînent créent un élan au long cours. «C’est exemplaire, poursuit Bouèb, cette possibilité de collaboration entre grosses organisations culturelles et collectifs et associations de plus petite échelle. C’est un souffle hyper important pour Rennes, surtout qu’actuellement, les directions d’institutions culturelles se renouvellent».
L’accompagnements des artistes
Toute l’année, Les Tombées de la Nuit ont à cœur de soutenir les artistes dans les différentes étapes de leurs réalisations, adaptant le format de leur accompagnement aux besoins particuliers des projets. Dès l’écriture, au cours d’échanges à mi-parcours ou lors de la présentation d’une étape de travail, un dialogue s’instaure et continuera jusqu’à la réalisation du projet.
Avec cet apport de compétences, ces « coups de mains » loin de tout cadre imposé, nous cherchons, dans un esprit de compagnonnage, à combler des manques structurels liés au développement de ces équipes artistiques, à donner forme à des idées naissantes, à révéler la force d’une œuvre en gestation, en autorisant le doute, la recherche et les tentatives.
Aux Tombées de la Nuit, l’artiste réside, mais pas immobile.
SMing, la chorale virtuelle évolutive
La création artistique déjà présentée en 2018 aux Tombées de la Nuit revient en version augmentée et prend une nouvelle dimension en s’installant à l’Opéra.
SMing revient. Cette fois, l’installation artistique créée par les belges Gaëtan Libertiaux et Gaël Bertrand, du Studio Superbe, s’est campée sur la scène l’Opéra de Rennes. Cette drôle de chorale interactive offre à chaque spectateur l’opportunité d’être à la fois chef d’orchestre et chœur tout entier. La voix du spectateur est d’abord enregistrée en audio et en vidéo puis analysée, modifiée et transformée en un chœur complet.
Déjà présentée par Les Tombées de la Nuit en 2018, à ses tout débuts, l’installation est de retour dans une version augmentée. Pas une redite. Une évolution. «En Janvier 2018, à la chapelle du Conservatoire, la rencontre entre SMing et le public nous a appris beaucoup, raconte l’artiste Gaëtan Libertiaux. Depuis, on a travaillé à consolider la partie technique : le dispositif, le son. L’installation a doublé de volume pour exister dans de grandes salles. Elle prend mieux en compte les voix plus fluettes.» Les artistes ont aussi ajouté un petit robot qui joue quand personne n’est sur scène, pour que le public ne se retrouve jamais face à une installation silencieuse.
SMing © Nicolas Joubard
«Le lieu de l’Opéra change tout, poursuit Gaëtan Libertiaux. Par exemple, c’est la première fois qu’autant de spectateurs regardent la personne qui utilise l’installation. Cela apporte une nouvelle dimension. Et dans le public, il y a des gens très initiés au chant et aux harmoniques. Ils posent des questions qui enrichissent notre démarche.» Claude Guinard, directeur artistique des Tombées de la Nuit, n’a pas non plus l’impression de rabâcher une performance : «Elle a mûri. Et présentée ainsi à l’Opéra dans une version XXL, ce n’est plus la même. Le contexte a énormément d’importance.»
Le partenariat avec l’Opéra a donné une nouvelle dimension au projet. Autour de SMing, la cheffe de chœur Eléonore Le lamer a donné des ateliers de travail de la voix à plusieurs classes de la Métropole. «En voyant le piano à queue sur scène, j’ai aussi pensé à ce que les utilisateurs de SMing soient accompagnés. Les Tombées de la Nuit m’ont aidé à tester cela avec un musicien rennais, ajoute l’artiste. C’est génial d’avoir un projet malléable, qui continue à s’enrichir.»
Gaëtan Libertiaux pense déjà à la prochaine évolution de SMing. À la façon dont il aimerait que le dispositif réagisse encore plus aux sensibilités et émotions de la personne qui tient la baguette. Peut- être grâce à l’intelligence artificielle. «Ce n’est pas encore fini, prédit Claude Guinard en souriant. Cette installation est joueuse et se base sur des programmes informatiques qui peuvent encore être développés. C’est tout l’intérêt d’accompagner des artistes au long cours. Avec le temps et la complicité, ils atteignent des horizons qu’ils n’imaginaient pas au départ.»
Ces artistes qui viennent et reviennent : fidélité ou copinage ?
Pascal Rome, créateur de la compagnie OpUS, a commencé à travailler avec Les Tombées de la Nuit en 1995. Il est revenu pour l’édition 2019 du festival avec le spectacle Le Grand débarras. Avec ses 26000 Couverts, Philippe Nicolle, lui, est venu jouer 56 fois aux Tombées de la Nuit. Dont récemment, Véro 1ère, Reine d’Angleterre. Interview croisée.
Vero 1ère, Reine d’Angleterre © Nicolas Joubard
Qu’apporte une collaboration si longue entre une compagnie et une structure comme Les Tombées de la Nuit ?
Pascal Rome : Claude Guinard et son équipe nous font confiance. Ils comprennent au-delà des mots sur un dossier et prennent des risques. Avec eux, on se sent autorisés à essayer, à être fragiles parfois. Beaucoup de structures de diffusion veulent du résultat, un spectacle nickel, tel coût, telle jauge. Les Tombées de la Nuit sont assez patientes pour considérer que les premiers pas d’un spectacle font aussi partie de sa vie. On y joue et on y voit des spectacles neufs, frais.
Philippe Nicolle : À partir de nos expériences communes qui se sont bien passées, nous avons créé une relation de qualité. Cela donne un accompagnement plus humain et souvent plus adapté. Leur confiance nous donne plus de force. Nos spectacles sont comme le vin, ils se bonifient avec l’âge. Les Tombées de la Nuit nous donnent l’opportunité et le temps de les améliorer. Alors, on sort de notre zone de confort. Les coups qu’on a faits à Rennes étaient risqués ! On a osé des formes moins évidentes, comme Le Grand Bal des 26000 Couverts en 2004 ou L’idéal club en 2016.
Entretenez-vous un lien particulier avec Rennes ?
Pascal Rome : Oui, parce que Les Tombées de la Nuit y ont créé un public qui a confiance, un collectif bienveillant vis-à-vis de propositions très participatives comme les nôtres. À Rennes, on est toujours agréablement surpris par les allers-retours avec le public. On a fait des siestes, des concours de boule, des visites de l’Opéra avec les Rennais. On a même cuit des merguez devant 300 personnes. De ce moment construit en commun est né un spectacle.
Philippe Nicolle : C’est une ville où l’on se sent bien, où le contact s’établit vite avec les gens. On y est tellement attachés que c’est quasiment devenu notre ville d’adoption, après Dijon. On sent le public dans une vibration et une qualité d’écoute qu’on ne trouve pas partout. On est aussi impressionnés par une municipalité qui aime la culture et qui a l’intelligence de mettre le paquet là-dessus.
Un partenariat si long, n’est-ce pas du copinage ?
Pascal Rome : Si c’était du copinage, Claude Guinard nous dirait «Quoi que tu fasses, on te programme». Ça ne s’est jamais passé comme ça. Ce serait inintéressant. On grandit ensemble. Nos propositions sont sans arrêt modifiées par ce qu’on vit et ce qui nous entoure. Leur équipe vient voir toutes nos «premières». On peut même dire que leur exigence s’affine.
Philippe Nicolle : Leur confiance permet de nous pardonner parfois, mais l’équipe nous rechoisit à chaque fois. Une compagnie est un équilibre fragile. Elle n’est pas à l’abri de perdre une certaine fraîcheur artistique. Normal qu’on ne la programme pas les yeux fermés. Je dirais même que grâce à cet accompagnement long, Les Tombées de la Nuit sont les rares à nous questionner et nous bousculer. Ces critiques nous sont très utiles.
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Le jeu avec la ville
Aux Tombées de la Nuit, la réalisation d’un projet implique la prise en compte du contexte, du lieu où il se joue. En jonglant avec l’espace, en s’inspirant ou en détournant le territoire, l’art y prend d’autant plus de sens. Nous souhaitons réorienter, poétiser des lieux de la vie quotidienne pour mieux extraire « la culture de sa tour d’ivoire ».
Nos choix artistiques se font en fonction de leur positionnement, de leur action dans l’espace public, de leur respect de la diversité des personnes et des histoires. Quel sens portent nos propositions artistiques ? Quels débats, quels doutes enclenchent-elles ? Lorsque, dès la genèse de l’écriture, il questionne la place du spectateur et son rapport à l’espace public, l’artiste retient notre attention.
Avec le temps, petit à petit, la ville est parcourue par les projets artistiques éphémères. Au-delà de la (re)découverte ponctuelle des places et des rues, c’est une cartographie sensible qui se dessine pour les habitants et spectateurs des Tombées de la Nuit. Chaque lieu devient porteur des émotions vécues face aux spectacles présentés. Ainsi, toute la ville peut devenir terrain de jeu.
C’est l’art en tant que lieu du lien, du partage et de l’échange, l’art questionnant le vivre-ensemble.
Des lunettes pour Les Œils et les cœurs
En janvier, sur le chantier de l’Hôtel Pasteur, le collectif Les Œils a mis en lumières un échafaudage de la société rennaise SNPR, également partenaire de la création. La performance ne prenait sens qu’avec un accessoire indispensable : des lunettes magiques.
Palpitations Nocturnes © Benjamin Le Bellec
Des lunettes en carton
Nuit de janvier, quai Dujardin, à Rennes. Une foule s’est rassemblée devant l’Hôtel Pasteur, en travaux pour se transformer en école et en quartier général culturel et associatif. Tous les regards sont tournés vers des lumières clignotantes sur un échafaudage… Sur le nez, chaque spectateur porte des lunettes magiques qui transforment tout point lumineux en cœur coloré. C’est Palpitations Nocturnes, une installation imaginée par le collectif rennais Les Œils, avec Les Tombées de la Nuit. Pour jouer encore plus avec la ville, Les Tombées de la Nuit ont proposé à une série de commerçants complices du quartier de vendre les montures en carton pour 1 €.
Des lunettes d’opticien
Nathalie Hébert, responsable du magasin d’Optique « Venez Voir », a été ravie de vendre ces lunettes d’un nouveau style : « Ça a du sens, car l’œuvre se base sur un vrai phénomène optique. Et puis l’installation était super : jolie, ludique. Une belle façon de rendre un échafaudage attirant. Des expériences drôles et innovantes, qui fédèrent ainsi la ville, ça donne forcément envie de les soutenir. » L’opticienne a offert des lunettes à ses clients, les invitant à pousser jusqu’à Pasteur. L’expérience a parfois commencé sous le grand lustre à pampilles de la boutique. « Ce qui est drôle, c’est que dans notre matériel d’optométriste, on utilise un prisme dont le principe est le même que celui des lunettes. » C’est le test de Maddox, qui sert à dépister le strabisme.
Des lunettes de chantier
«Pendant les travaux, on voulait transformer le chantier en un acte culturel, raconte Sophie Ricard, coordinatrice générale de l’Hôtel Pasteur. L’idée des sources de lumières ponctuelles, comme des fenêtres sur une façade échafaudée, était super. Tout d’un coup, le bâtiment vide est devenu mouvement. Et quand ils m’ont fait essayer les lunettes… » L’installation a rapidement motivé les artisans du chantier. Électriciens, couvreurs ont donné des coups de main au collectif. «C’était extra, ce rassemblement autour du projet. Puis les artisans sont revenus avec leurs familles, lunettes au nez, qui ont vu l’œuvre… et le chantier. » Sophie Ricard aime aussi l’idée que la vie des fabuleuses lunettes ne s’arrête pas là : « Un médecin que je connais les utilise pour vacciner les petits. Il leur demande de les diriger vers sa petite lampe frontale et, une fois l’attention détournée, la piqûre fait beaucoup moins mal. »
Des lunettes de mariée
Dans la vitrine du magasin de robes de mariées et de cocktail « Le cachet Royal », en face de l’installation, Françoise et Sandrine ont équipé les mannequins de lunettes magiques. « Les Tombées de la Nuit nous ont proposé d’en déposer dans la boutique. On en a vendu plus de 300 : ça en fait du passage ! C’était joyeux et rigolo », raconte Françoise. Les gens qui ont poussé la porte ont avoué qu’ils n’auraient jamais osé entrer dans la boutique, sinon. «C’était convivial, tout le monde était agréable, souriant, comme dans une ambiance de fête. Une dame a dit qu’elle reviendrait pour la robe de mariée de sa petite-fille. Un couple a acheté des lunettes pour les emmener aux États-Unis. » Rennaise depuis peu et très prise par son travail, Françoise ne connaissait pas Les Tombées de la Nuit : « Depuis, c’est drôle, je me sens davantage habitante de la ville. Et j’étais loin de m’apercevoir de tout ce qui s’y passait, avant d’en discuter avec tous ces acheteurs de lunettes ! »
Où loger la musique ?
Dans une ferme, un chantier, un temple : Les Tombées de la Nuit proposent des concerts hors des salles habituelles. Pourquoi ? 3 questions à Claude Guinard, directeur artistique des Tombées de la Nuit.
Sharko © Nicolas Joubard
Comment choisissez-vous le «bon» lieu pour un concert ?
Claude Guinard : Quand je découvre des musiciens, je me demande presque automatiquement quel lieu collerait avec leur univers sonore. J’imagine la lumière, l’acoustique, comment ça pourrait sonner. Surtout, je me représente où se placeraient les spectateurs par rapport aux artistes. Pour moi, le lieu induit la manière de partager avec le public. Toutes ces questions auxquelles on réfléchit plus habituellement pour les spectacles vivants, je me les pose aussi pour des concerts.
Pourquoi sortir les musiciens des salles de concerts ?
Pour essayer de casser les codes habituels de la représentation. Pourquoi un groupe de rock devrait-il forcément jouer à 22h dans un bar ? On peut bousculer ça, réfléchir à d’autres lieux possibles. En 2018, on a fait jouer le musicien belge Sharko chez un garagiste, un fleuriste, dans une loge à peine rangée du Liberté. On joue, avec le public, avec la ville. Cette année, c’est avec le duo britannique Samana qu’on a organisé des concerts itinérants. Dans un temple protestant, un cloître, un jardin. Ils ont adoré. La liste des chansons était la même, mais à chaque fois, l’ambiance a été unique. La nature environnante,
l’heure, l’énergie nourrissent différemment leur présence au public, leur rapport à leur musique.
Le lieu servirait la musique ?
C’est l’idée. Le lieu doit rendre la musique encore plus puissante, tout en respectant l’oeuvre. Je ne cherche pas à organiser à tout prix des concerts dans des lieux décalés. On risquerait de faire passer la musique au second plan. Je me souviens d’un concert de Stéphane Hardy, au lever du soleil, dans la serre d’un lycée agricole. C’était magique. Ou de la prestation du bluesman The Chocolate Genius à l’opéra. Il pleuvait cet après-midi-là et les dorures et la chaleur de l’opéra ont créé une atmosphère incroyable. Le lieu nourrit la proposition de l’artiste. Et il perturbe et reconditionne le spectateur, qui devient encore plus attentif. Quand j’ai proposé au groupe de rock Santa Cruz de jouer, en journée, dans une cour de ferme, ils ont eu peur que je ne les prenne pour des clowns. Puis ils ont été convaincus. Réfléchir à des lieux de concert différents peut bonifier les conditions d’écoute. En disposant le public tout autour d’eux, on avait replacé la musique au coeur.
In Situ
En 2011, Les Tombées de la Nuit rejoignaient le réseau IN SITU, plate-forme européenne pour la création artistique en espace public. Depuis 2003, le réseau a soutenu plus de 200 artistes travaillant en dehors des lieux conventionnels et contribuant à la transformation de nos territoires. IN SITU est un écosystème qui rassemble une nouvelle génération d’artistes avec des publics, des programmateurs et des acteurs clés impliqués dans les réalités économiques, politiques et sociales en Europe. IN SITU développe une écologie de la création basée sur des ateliers et des laboratoires artistiques transnationaux, des résidences européennes et internationales et du mentoring collectif pour des projets pilotes artistiques. IN SITU conçoit une activité de conseils et d’expertises sur mesure pour les villes européennes, des modules de formation en ligne (MOOC) et un Think Tank dédié à la création artistique en espace public.
Projets in Situ soutenus et /ou diffusés par Les Tombées de la Nuit
• NOUS SOMMES & UNE FORÊT D’ÉCOUTANTS Compagnie Jeanne Simone (FR)
• THE PLAYGROUND Groupenfonction (FR)
• STREETWALKER GALLERY Kud Ljud (SI)
• VOYAGE AU BOUT DU MONDE Frank Bölter, (GE)
• BUREAU COSMIQUE (FR)
• TAPE RIOT Asphalt Piloten (CH)
• IGOR HAGGARD, UN SACRE FERROVIAIRE Lieux publics & Cie (FR)
• BIRDWATCHING 4X4 Benjamin Vandewalle (BE)
• HABITANT(S) Compagnie À l’Envers (FR)
• FLAT Rodrigo Pardo (AR)
• DOMINOES Station House Opera (GB)
• LES OEILS (FR)
• ARCHITECTURAL SONARWORKS Cédric Brandilly et Romain Dubois (FR)
• PUBLIC JUKEBOX Krištof Kintera (CZ)
• PROJET FANTÔME Etienne Saglio (FR)
• RENCONTRES DE BOÎTES Compagnie Kumulus (FR)
• PROUST G.K. Collective (FR)
• MA BÊTE NOIRE Thomas Chaussebourg (FR)
• MUSEUM OF THE MOON Luke Jerram (GB)
• YOU WILL BE MISSED Flore Herman, Sara Sampelayo et Anne Thuot (BE, FR, ES)
• FOLLOW US Maud Jégard (FR)
• TES MOTS DANS MA BOUCHE Anna Rispoli, Lotte Lindner, Till Steinbrenner (IT, BE, DE)
• DEAL Jean-Baptiste André (FR)
• FREEZE Nick Steur (NL)
• THE WOODPECKERS Marco Barotti (IT)
• FOLLOW ME Maud Jegard – Queen Mother (FR)
• SUITE POUR TRANSPORTS EN COMMUN De Chair et d’os – Caroline Melon (FR)
• FOOOOTBALLLL Veronika Tzekova (BG)
¢= Création
Δ = Accompagnement Artistique
þ = Coproduction
§ = In Situ
Le festival
Les Tombées de la Nuit
OH EUROPA · Action Hero (UK)
FOOOOTBALLLL · Veronika Tzekova (BG) · §
PROGRAMME · Groupe Merci (FR)
C’EST PAS LÀ, C’EST PAR LÀ · Compagnie Galmaé (Corée du Sud)
SUITE POUR TRANSPORTS EN COMMUN · De Chair et d’Os – Caroline Melon – (FR) · § · ¢ · þ · Δ
HEADSPACE · Electric Circus (NL)
DJ FRIETMACHINE · Superhallo (NL)
QUEEN OF THE MEADOW (FR)
D-CONSTRUCTION · Dyptik (FR)
APPUIE-TOI SUR MOI · Cirquons Flex (La Réunion / FR) · ¢
THE WOODPECKERS · Marco Barotti (IT) · §
FREEZE ! · Nick Steur (NL) · §
FRANCIS SAUVE LE MONDE · Compagnie Victor B (BE)
RED (FR)
LABEL VIE, L’EFFET PAPILLON · Compagnie Gravitation (FR)
UNDER THE REEFS ORCHESTRA · (FR / BE)
LA SPIRE · Chloé Moglia – Compagnie Rhizome (FR)
LE GRAND DÉBARRAS · OpUS (FR) · ¢ · þ · Δ
MARATHON DE BRODERIE · Sentimentale Foule (FR) · ¢ · þ
SAMANA (UK)
FOLLOW ME · Maud Jégard / Queen Mother (FR) · § · ¢
HAIRCUTS BY CHILDREN · Mammalian Diving Reflex – Darren O’Donnell (CA)
SMASHED · Gandini Juggling (UK)
MATT ELLIOTT & VACARME (UK / FR)
BEL AIR DE FORRO (BZ / FR)
DRU · La June Compagnie (FR)
COVER BRASS BAND & WALDISNERDS · The Nerds (BE)
GIANNI SKICKI · Les Grooms (FR) · ¢
MARIUS, FANNY ET CÉSAR, LA TRILOGIE · Comp. Marius (BE)
I’M FROM LA NUIT (ET UN PEU LE JOUR) Kataplismik · Yoann Minkoff & Kris Nolly · Square P · Roda Viva · Leo Prud’homme · Ben Carbone · The Doblo Mountain Boys · La Douch’Box de la Sophiste
La Saison IV
des Tombées de la Nuit
PALPITATIONS NOCTURNES · Les Œils (FR) · Δ
LA KERMESSE · Pierre de Mecquenem / Compagnie La Machine (FR)
NOUS SOMMES DE PASSAGE · Laurence Poueyto / Compagnie Si tu t’imagines (FR) · Δ
DAKHABRAKHA (UA)
LA NUIT UNIQUE · Théâtre de l’Unité (FR)
LES MARIÉS, MÊME · Clédat & Petitpierre (FR)
VÉRO 1ÈRE, REINE D’ANGLETERRE · 26000 Couverts (FR) · ¢ · Δ
LE BAL DU TOUT-MONDE · Engrenages[s] (FR) · Δ
SMING · Studio Superbe (BE) · Δ
TINY RUINS (NZ)
BEFORE I DIE · Candy Chang (US)
Les partenariats
Dimanche à Rennes
AUTRES MESURES · Association Autres Mesures
FESTIVAL LES ZEF & MER · Assocation Zef et Mer
CONCERT DE THALIA ZEDEK BAND · Assocation Des Pies Chicaillent
UN DIMANCHE TRAVELLING · Festival Travelling / Association Clair Obscur
UN DIMANCHE À L’ARSENAL · Festival Urbaines / MJC Antipode
MJC BAL WAACK · Festival Urbaines / Le Triangle et le Liberté // L’Étage
ON A LA DALLE · Association AY-ROOP [Temps fort arts du cirque]
AY-ROOP BLOCK PARTY · Festival Dooinit
OUVERTURE FAIR(E) · Collectif FAIR(E) / CCNRB
STUNFEST · Association 3 Hit Combo
JOURNÉE BABY-FOOT · La Tour d’Auvergne de Rennes et le cinéma Arvor · Δ
BIG LOVE · Festival Big Love / Association Crab Cake Corporation
JAILLISSEMENT #2 · Les Champs Libres · Rennes Métropole · Cuesta · Destination Rennes · l’Inrap · Au bout du plongeoir
FEST-DEIZ · Skeudenn Bro Roazhon
50 ANS, ÇA SE FÊTE · Archives municipales de Rennes avec Vitrines en cours · Δ
WALL OF FAME · Biennale Teenage Kicks / Association Graffiteam
UN WEEK-END EN ENFER · LES COPAINS
THABOR & BAL PIRATE / Festival I’m from Rennes
LA VILAINE FRAYEUR · Les Ateliers du Vent
CONCERTS DE JULIE DOIRON & EARLY DAY MINERS · Assocation Des Pies Chicaillent
LE P’TIT BATEAU FANTÔME · Les P’tits Bateaux & SAGA.bzh
UN DIMANCHE BARS EN TRANS · Association 3 P’tit Tour