Photo : © La Sonothèque Nomade © Lénaïc Jaguin
— Publié le 8 septembre 2020 —
Donner un chant, recevoir une place
En juillet, Carine Henry et Jérôme Bouvet ont collecté et diffusé des chants et berceuses du monde dans les quartiers rennais.

En juillet, Carine Henry et Jérôme Bouvet ont collecté et diffusé des chants et berceuses du monde dans les quartiers rennais. La distanciation physique de rigueur n’a pas empêché cette Sonothèque Nomade de relier les gens. Simplement.

Sous le tilleul, dans la cour de l’association rennaise Langue et Communication, des femmes et des hommes sont assis. Habituellement, ils viennent là pour apprendre le français. Aujourd’hui, ils sont installés dans la Tisanerie Sonore de Carine Henry et Jérôme Bouvet. « Partout dans le monde, nous collectons des chants et des berceuses que les gens entonnent dans leur langue maternelle, leur expliquent les deux artistes de la Fausse Compagnie. Pour donner la parole à ceux qui ne parleraient pas de leur culture sinon, pour garder une mémoire de la diversité et de la richesse des humains. »

« Même au milieu du désert, nous pourrions enregistrer des chants, explique Jérôme. Carine et lui ont fabriqué pour cela un curieux instrument qui fonctionne sans pile, mais à l’aide d’une manivelle qui produit de l’électricité. Ce petit studio d’enregistrement de rue possède aussi un appareil qui photographie chaque chanteuse ou chanteur et un porte-voix, qui permet de diffuser les chants collectés auparavant.

À Annaba, en Algérie, le couple a recueilli un chant Igbo, contant l’histoire d’une femme qui va chercher de l’eau à la rivière. Jérôme tourne la manivelle de son instrument pour faire entendre la voix au groupe rennais. Une femme assise, tisane à la main, fredonne les paroles, se balance et rit.

Dans la cour, Carine se tient devant un portevoix géant en bois. Elle propose au groupe de leur chanter ce qu’ils souhaitent. « Un chant arménien ! » suggère une femme aux cheveux longs. Chaque chant est un espace de partage, une rencontre. La femme arménienne a les larmes aux yeux. À son tour, elle brave sa timidité et choisit de donner un chant, aux autres et à l’instrument enregistreur. «Je pleure parce que je chante les souvenirs de mon pays qui sont restés coincés dans ma gorge trop longtemps. Merci», conclut-elle. Donner et recevoir.

Sur le marché du Blosne, Carine et Jérôme ont collecté des chants. Comme ils l’ont fait pendant dix jours à Maurepas, à Cleunay, aux Gayeulles, dans le centre-ville. « Après le confinement, on se demandait comment les gens allaient accepter de retisser des liens ainsi, explique Carine. Non seulement ils nous ont partagé leurs chants, mais on est repartis du marché des cadeaux plein les mains. On s’aperçoit que cette disponibilité qu’on leur offre pour accueillir
leur histoire, ça les touche. »

Annemasse, Genève, Saint-Jacques de Compostelle : ce sont les prochaines étapes de collectage des deux artistes de La Sonothèque Nomade. Avant de s’y envoler, au dernier jour de leur étape rennaise, ils ont organisé une Sonofête sous le tilleul. « On a invité toutes les personnes qu’on a croisées à Rennes ». Ceux qui ont chanté en gallo et en breton, les Tibétains du restaurant voisin, le jeune homme sans papiers qui leur a donné de la poésie en français. Tous regardent la guirlande de photographies de celles et ceux qui ont donné un chant, de Maurepas à Brooklyn. « Ça fait famille », dit un homme. Une femme se tourne vers Carine et Jérôme : « S ’il n’y avait que des gens comme vous, on vivrait bien et on mourrait tranquille. »

Audrey Guiller

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