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— Publié le 7 juillet 2017 —
Fidelis Fortibus : le cirque est mort, vive le cirque !

La grande famille Ronaldo s’est éteinte. Mais une flamme brûle encore… Le petit dernier, Dany, n’a pour compagnons que son art, un petit fauve et le poids de l’héritage de ses ancêtres. Comment persévérer, quand on est seul ? Comment rire, malgré l’accablement ? DANY RONALDO nous offre un solo circassien, mélancolique et libérateur, pour une tristesse sublimée dans un moment d’art partagé.

 
Jeudi 5 juillet, au parc du Thabor, se dresse fièrement le chapiteau à l’ancienne des Ronaldo. Le charme de ses tentures rouges et de sa devanture méticuleusement peinte opère comme à l’accoutumée. Mais étonnamment, c’est Dany le clown en personne qui nous accueille. Solitude oblige, l’ultime descendant de sept générations de circassiens en est réduit à faire l’ouvreur. C’en est fini de l’artiste fier qui faisait de son entrée, comme de sa sortie, un mystère… Cette époque est révolue. « No ne comico ! » nous gronde-t-il d’emblée. La situation est grave. La piste est peuplée de tombes, mais le cirque doit vivre. Dany signifie par ses grommellements inauguraux que le spectacle n’aura pas lieu, que nous ne sommes pas les bienvenus. Mais puisqu’il y a un public, alors il faut bien jouer…
 
La longue file d’attente s’engouffre dans le chapiteau sans que Dany puisse résorber le flux. Ou ne le veuille ? Finalement, il désire peut-être jouer une dernière fois, pour rendre hommage à ses pères… Dans son costume flamboyant, avec sa démarche de Charlot et son air benêt, Dany est touchant. Avec une maladresse maîtrisée, l’homme-orchestre fait revivre un à un les numéros de trapéziste, dompteur et magicien, il endosse le costume de danseur étoile tout en restant fidèle à son ADN clownesque.
 
Le spectacle est traversé d’une folle mélancolie, d’élans de colère et de désespoir, qui font de ce moment une poésie de circonstance. Visiblement, Dany n’est pas là pour son public. Il est là pour régler ses comptes avec le cirque, ses ancêtres, ainsi qu’avec la fatalité. Tant et si bien que l’homme brisé, dans une course finale autour de la piste, pareil à un pur sang lâché dans l’arène antique, fait voler les tombes en poussière. Mais ce n’est en rien de l’irrespect. La figure finale, construction aérienne majestueuse réunissant les restes de ce cirque, tombes, costumes et objets brisés, hissée à la pointe haute du chapiteau avec l’aide du public, est une figure métaphorique. Avec le public pour nouveau compagnon, Dany a fait monter par une acrobatie mémorable les esprits de ses ancêtres au paradis. Eux comme lui peuvent maintenant gagner le repos. Et Dany peut repartir avec fierté, acclamé par le public. Il semble heureux. Nous aussi.
 
Nathan LE POTIER

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