Dans ce petit théâtre de chair et de matière, posé comme en suspension sur une étendue d’eau (mizu, en japonais), la danseuse et circassienne Satchie Noro et la marionnettiste Élise Vigneron croisent leurs travaux respectifs pour un résultat subjuguant de douceur et d’équilibre. Sur cette barge accueillant les contre-poids permettant d’actionner une éphémère et fascinante marionnette de glace, sur des fils tenus entre apparition et disparition, le récit de cette rencontre en suspension claque comme une magnifique ode à la vie.

D’une première rencontre naît aussitôt cette idée de marier leurs deux univers dans une pièce chorégraphique. Une création qui mêlerait leur approche de la matière à travers la danse, les arts du cirque et la marionnette. Élise Vigneron est depuis longtemps au travail autour de la glace comme matériau de construction, et vient de créer le spectacle Les Vagues, autour du roman de Virginia Woolf, avec cinq marionnettes à taille humaine manipulées à distance. Satchie Noro travaille depuis quelques années à une pièce autour de l’eau, qui, avec le vent, est un élément central de son imaginaire du vivant. Sur un plateau de 5 mètres sur 8, en partie immergé dans l’eau et une ossature de bois de 4,20 mètres de hauteur, à la fois support pour la manipulation de la marionnette et agrès aérien, la danseuse, la marionnette de glace et sa marionnettiste (Sarah Lascar) vont évoluer à vue.

Dans ce fascinant duo de matière, mêlant corps de glace et corps de chair, la chorégraphie intègre jeux d’équilibre, de portés et de contrepoids. La marionnette de 17 kilos est en train de fondre, en même temps qu’elle s’articule. Comme si notre propre corps faisait l’expérience de la dissolution et de la transformation, nous ressentons une empathie immédiate avec cet être de l’éphémère. Une magnifique célébration de l’impermanence, de la fragilité de l’existence et de l’eau comme passage de l’individu au cosmos.