Photo : © ¡ Colectiva ! © Benjamin Le Bellec
— Publié le 14 septembre 2021 —
Ce qui fait un festival
Retour sur l'édition 2021 du festival Les Tombées de la Nuit.

Avec des masques, des jauges et des incertitudes. Sans la liberté, sans point de ralliement pour les artistes. Le festival Les Tombées de la Nuit 2021 a eu lieu. Malgré les contraintes, l’essentiel s’est produit : des personnes qui, autour de l’art, partagent des émotions fortes et des discussions.

De la préparation

Quand on ôte certaines bases d’un festival, qu’en reste-t-il ? Du 1er au 4 juillet, le festival Les Tombées de la Nuit a rassemblé une douzaine de créations artistiques qui ont donné lieu à environ 120 représentations. « Compte tenu du contexte, l’organisation est devenue très technique : comment jauger les lieux, accueillir un public limité, s’adapter aux directives qui pouvaient encore changer, détaille Claude Guinard, directeur artistique des Tombées de la Nuit. Avec des choix artistiques validés depuis longtemps, puis reportés. Tout cela sans perdre notre âme. »

« À Rennes, ils ont lutté pour garder l’esprit festival, remarque Mehdi Meghari, chorégraphe de la compagnie de danse hip hop Dyptik, qui a proposé le spectacle Mirage (Un jour de fête). On a joué dans d’autres festivals à cinq mètres du public, devant des gens masqués et immobiles, assis dans des pneus séparés chacun d’1m50. On perdait alors tout ce pourquoi on joue dans l’espace public : la proximité, la sincérité, la communication directe. »

Du public

« Ce qui constitue un festival, c’est le public. Qu’il soit au rendez-vous, qu’il se sente concerné. On vient d’un autre festival où le public, lassé des reports, n’est pas venu, raconte Thomas Demay, co-fondateur du collectif A/R, qui a présenté Placement Libre. Le fait de retrouver le public, de se réapproprier l’espace public, ça nous a ouverts. On a été plus loin dans la prise de liberté et de risques. »

Mehdi Meghari remarque que le contexte a créé un double effet sur cette édition. « D’un côté, les conditions de limites de jauge, où l’on compte et l’on refuse des gens, auraient pu être mal vécues. De l’autre, comme nous sortons d’une crise, le public a participé et s’est engagé beaucoup plus intensément que d’habitude. » Mirage, créé avant le Covid-19, parle de personnes enfermées, qui vivent une situation oppressante mais célèbrent malgré tout. À la fin de la représentation, à l’appel de la compagnie, les habitants se sont levés d’un bond pour danser et sauter avec eux.

Des émotions partagées

« En une heure, j’ai eu tellement d’émotions fortes, confirme un jeune spectateur, encore essoufflé de la danse finale de Mirage. J’avais le cœur qui battait vraiment beaucoup. J’ai senti que tout le monde était très très vivant. » Morgane, Léonie et Camille, assises non loin, poursuivent : « Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas ressenti ça en direct. Pendant les confinements, on avait bien suivi des projets artistiques en vidéo… Mais là, on se retrouve embarquées à voyager dans l’univers de quelqu’un d’autre, dans la sensibilité des artistes : ça fait tellement de bien. »

Dans un même lieu

Pour le trio de spectatrices, l’édition 2021 du festival a une saveur spéciale : « La joie de revoir des spectacles dans la rue, de se rassembler dans les espaces communs de la ville, de vivre des choses ensemble avec des inconnus, de tous regarder le ciel en craignant la pluie ».

« En tant qu’organisateurs, notre préoccupation était que les contraintes techniques n’empêchent pas le festival d’exister, explique Claude Guinard. Et c’est au beau milieu des représentations qu’on a senti ce qu’était le cœur du festival : les circulations d’un spectacle à un autre, les discussions, le bouche-à-oreille : « as-tu vu telle proposition ? Qu’en as-tu pensé ?  » Le rassemblement, les liens invisibles au sein de cette communauté éphémère ».

Des échanges entre les artistes

« Ce qui nous a manqué clairement cette année, c’est un lieu de rassemblement entre artistes, poursuit Thomas Demay. Sans cela, c’était assez étrange. Dans ces moments de festival, on a envie de se croiser, d’échanger sur nos projets, nos visions. » Claude Guinard fait exactement le même constat : « c’est là qu’on se rend compte qu’un catering commun pour les artistes, ce n’est pas pour faire de l’entre-soi VIP. Le festival est un vrai espace de travail. C’est important pour les compagnies de partager leurs doutes, entre elles, avec nous, de rectifier entre deux représentations. L’accompagnement au long cours, c’est là aussi qu’il se passe. »

Audrey Guiller

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