Depuis dix ans, la tradition de l’homme-orchestre s’est totalement renouvelée avec la mise sur le marché des pédales de boucles, qui permettent de monter en temps réel d’improbables architectures vocales et sonores. Exploitée par nombre de songwriters en solo (Joseph Arthur, Andrew Bird…), cette technique prend une dimension unique chez Marceau Boré, alias Piano Chat. Posées une à une, les couches de voix, parfois poussées aux confins du cri, les superpositions mélodiques et les empilements de matières (guitares, claviers) créent des chansons au lyrisme à la fois fragile et abrasif. Loin de mécaniser la musique, les boucles apportent des perturbations et des circulations d’énergie qui en soulignent la facture diablement humaine. Chez Piano Chat, cette façon de se mettre en quatre (voire en cinq, huit, douze…) est aussi une manière courageuse de se confronter à l’autre, à tous les autres qui sont en soi, à la foule de fantômes qui se bouscule et trépigne et crie au fond de toute âme. Autant dire que, pour cette raison aussi, ses prestations réservent leur dose de frissons et de vertiges.