Photo : © Walking Thérapie © Nicolas Joubard
— Publié le 7 juillet 2017 —
Entretien avec la Cie Victor B

Ce que l’on dit dans le spectacle, c’est : « Soyons ensemble, regardons nous et ça va aller ! » Fabio Zenoni

 

De quelle formation théâtrale venez-vous ?

Nicolas Buysse : Nous nous sommes formés au Théâtre National de Bruxelles.

On joue en salle, au cinéma et il y a quelques temps, nous avons découvert le théâtre de rue qui est devenu le théâtre « buissonnier ».

Amener une vraie dramaturgie dans la rue devient nos vacances. Ça nous permet de partir trois ou quatre mois jouer dehors avec un décor qui change tout le temps. On amène une vraie dramaturgie dans la rue et tout en utilisant la réalité qu’est la rue.

On a quelque chose d’écrit mais il y a aussi des accidents de parcours, des perles, des choses merveilleuses et on ne sait jamais ce qui va se passer…

Parfois, c’est délirant ou excellent….c’est une énorme source de plaisir, c’est jouissif. Avec le système sonore, cela crée un cocon, le casque permet d’être un spectateur privilégié.

Ça nous permet de traiter d’un sujet sérieux comme les thérapies. C’est un thème à la mode.

Fabio Zenoni : On a tellement rit sur tous ces coach amateurs qui sont visibles sur youtube, qu’on avait envie de partir la dessus. Sur internet, on peut trouver des vidéos de coach qui peuvent vous enlever votre peur en une minute !

 

Vous ne ménagez pas les spectateurs dans votre spectacle, vous arrive-t-il des soucis avec certains ?

Nicolas Buysse : Non, il ne nous est jamais rien arrivé. C’est un risque à prendre. Au départ, on avait un peu peur, mais les gens comprennent les personnages, et acceptent le propos.

De toutes façons, c’est vrai, c’est tabou de parler du malheur comme ça avec le chagrin, le cancer ou autre… on s’est dit pourquoi faire un spectacle là-dessus et en rigoler…peut-être parce que moi aussi je suis peureux par rapport à la tristesse, à la mort…c’est peut être aussi une thérapie de comédien de pouvoir aller aussi loin.

Fabio Zenoni : Ah bon, je ne savais pas…..(rires)

Nicolas Buysse : Je me suis rendu compte qu’en tant que comédien, si on a une empathie, on peut aller loin dans l’humour. Il faut faire confiance au spectateur. Nous, on a eu très peur en le créant. Finalement, ça va, on doit toujours faire attention de ne pas tomber dans la critique facile et négative. On se rend compte aussi que ces personnages ne sont rien eux-mêmes, mais il faut faire attention, on est sur le fil, ça peut très vite basculer mais on n’a jamais eu un spectateur qui est parti.

On vient d’une ville de Namur qui est une ville où on rit beaucoup ; c’est la ville de Benoît Poelvoorde. Le film « C’est arrivé près de chez vous » m’a beaucoup marqué pendant mon adolescence. Moi, ça me fait hurler de rire de pouvoir aller loin et de toucher l’extrême limite.

On se rend compte que les gens sont prêts à rire de tout. Si on se moquait juste des gens dans la rue, ce serait différent mais on n’impose pas une vision au spectateur ;

 

Il y a un message un peu angélique ou naïf dans votre spectacle, comme dans les paroles de votre rap…préconisez-vous des méthodes de groupe plus efficaces ?

Nicolas Buysse : Oui, c’est naïf. Il faut se dire que c’est deux gars qui se sont dit : comment on va faire pour se faire de l’argent ? Comment on va utiliser tout ce qui marche pour faire peur à un certain endroit.

« Vivre avec le malheur comme bonheur, le malheur comme bonheur »…jusqu’à ce que les gens se rendent compte que ces gars-là sont des gros loosers et on veut appuyer la dessus.

Fabio Zenoni : On utilise les codes des thérapies, et en même temps on sait que cela ne marchera jamais. C’est dans ce sens là que les gens prennent confiance et prennent du plaisir sur des choses où c’est assez difficile.

Ce que nous préconisons, c’est de faire un spectacle sur le grand malheur, sur le grand chagrin et que les gens sortent avec un énorme sourire.

On n’a vraiment plus de tabou puisque nous avons des personnages qui sont eux aussi mal dans leur peau, qui ont râté leur vie.

Ce que l’on dit dans le spectacle, c’est soyons ensemble, regardons nous et ça va aller !

Nicolas Buysse : Après, si on parle de dramaturgie, ces mecs sont un peu dangereux car ils utilisent les mêmes codes que les partis nationalistes, populaires et populistes. Si tu n’as pas compris, ce n’est pas bien….Ils ont une forme de pouvoir sur le groupe. La naïveté est à l’image de ces partis comme le front national avec les idées toutes faites…préconçues qu’on balance….sous des dehors un peu léger, jouissif, ces mecs sont hyper dangereux car c’est facile de contrôler un groupe.

On n’allait pas rentrer dans un truc de secte, on garde le second degré et surtout on rit de nous-mêmes. Le public se rend compte qu’il est difficile de les suivre. On se rend compte que ça ne peut pas aller en suivant des thérapeutes comme ça.

Heureusement, on n’est pas dans la vraie vie, ça reste un spectacle.

 

Le public est toutefois mis en situation de coaching, il traverse des peurs, se confronte au regard de l’autre, ce n’est pas si simple…

Nicolas Buysse Oui, c’est vrai. Tous les jours, il y a au moins deux ou trois personnes qui pleurent. L’autre jour, une femme était hyper mal car la personne en face de moi se mettait à pleurer. Nous perdons sûrement ce contact avec l’autre…

 

Est-il possible selon vous que vous, que l’on construise un autre mode de vivre ensemble ?

Nicolas Buysse L’utopie est belle entre les mains de certaines personnes mais elle peut être très dangereuse dans les mains d’autres et je pense que ce sont deux personnages dangereux.

Fabio Zenoni En tout cas, le personnage de Jean Yves est complètement crapuleux car il utilise le malheur des gens pour faire une real story, c’est TF1 tous les jours.

On aime bien aussi utiliser les musiques d’ambiance pour émouvoir volontairement le spectateur. C’est assez dégueulasse en réalité.

 

Vous travaillez sur la même dramaturgie dans chaque ville ?

Nicolas Buysse : Pour improviser, le spectacle a besoin d’être très précis. Il y a des endroits où on peut se libérer complètement et partir mais à d’autres moments on doit avancer pour faire avancer l’histoire.

On sème des petites graines aussi pour mieux comprendre les personnages. On n’est pas loin du voyeurisme.

Ces thérapeutes sont plutôt des thérapeutes de comptoir à travers leurs expressions. Quand Jean Charles dit : « Et bien ces peurs, on va leur dire Merde ! ». Ce sont vraiment des thérapeutes provinciaux ratés !

Roseline Pontgélard

 

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