Rattrapée par les impératifs de production et de représentation, engagée dans une course à l’armement technologique qui vire à l’absurdité, la musique populaire, en devenant musique de masse, a eu tendance à s’éloigner de sa terre natale : celle d’un art de proximité itinérant, dont le bagage premier, aussi précieux qu’aisément transportable, serait composé des trésors de la mémoire, des richesses inépuisables de la transmission et des joyaux de la parole spontanée. C’est avec cette vocation première et nue, sans amplis ni micros, que renoue le duo Rockoko. Avec Kika Lenfant et Goulven Hamel, deux voix hissées à leur plus juste incandescence, associées à une guitare ou une mandoline taillées dans ce bois sec dont on fait les combustions spontanées, suffisent à ranimer et à réinventer la flamme des origines. Loin de brosser la reconstitution d’un âge d’or qui satisferait les partisans du “c’était mieux avant”, Rockoko, magnifiant l’art ancestral de la reprise, retourne à l’os des chansons du peuple (folksongs) pour mieux en extraire la moelle vive et universelle. Libérées de leurs ancrages stylistiques, les mélodies des Kinks, des Stooges, de Joy Division, de David Bowie, Eurythmics, Sonny Bono ou Nick Cave deviennent les standards d’une communauté joyeusement informelle, rassemblés dans le creuset bouillant d’une expression musicale qui métamorphose l’érudition en jeu d’enfant, le souvenir collectif en source de jouvence et l’héritage du passé en célébration de l’instant présent.