Il y a chez les musiciens traditionnels cubains un refus obstiné de blanchir sous les effets du temps, de repousser l’heure de leur crépuscule comme un enfant repousserait le moment de ranger ses jouets et de se mettre au lit : ils en veulent encore et toujours, n’ont pas eu leur compte. Ainsi en va-t-il de la Banda de Holguín, vénérable orphéon de vingt instrumentistes qui, depuis maintenant 53 ans, déambule sans la moindre fatigue, bon pied bonne ouïe, dans le paysage sonore de l’île. Avec la fierté fort bien placée des cubains pour leur patrimoine musical, cette théorie de percussions, tubas, trombones, trompettes, saxophones, flûte et clarinettes dresse l’éloge d’un répertoire qui, du son au danzón, du cha-cha-cha à la rumba, a depuis longtemps abattu les cloisons entre mélodies populaires et écriture savante, entre la rue et le conservatoire. Sans cesse régénérée par l’apport régulier de nouveaux et jeunes musiciens, la Banda de Holguín est bel et bien l’emblème d’une musique qui continue d’écrire l’Histoire tout en abolissant le temps.